Les médias les ont surnommés les experts, les invincibles… L’équipe de France Handball nous avait habitué à la victoire, à la réussite et à la gloire ; ils nous avaient fait oublier la défaite !! Mais en Serbie, les hommes d’Onesta sont tombés 3 fois et n’ont pas pu redresser la barre avec une confiance qui s’est dilapidée au fil des rencontres, contrairement aux compétitions précédentes où l’équipe montait en puissance. Nous n’allons pas réécrire les discussions ni les avis des consultants tels que « avec un Karabatic au niveau, avec un Omeyer en forme ou un Onesta qui fait tourner… » Ce qui peut ne pas être faux, mais on va considérer que ce ne sont pas les seules explications et tenter de comprendre les raisons de cette ambition manquée à travers 3 concepts simples qui vont nous permettre d’avoir une analyse mentale puisque tout le monde s’accorde à dire que c’est cette dimension qui a été défaillante.

En mental, ce qui est compliqué, c’est que tout le monde peut avoir un avis et donner des explications selon sa propre perception des choses. Il nous faut alors revenir sur des concepts pour apporter un point de vue théorique et expérimental, afin d’expliquer que ce que nous voyons, ce que nous constatons, n’est que la conséquence d’un système psychologique beaucoup plus complexe… Pour faire simple, nous ne remarquons que la partie visible de l’Iceberg. Nous vous proposons donc de vous immerger un peu plus en profondeur, à travers 3 concepts simples pour décoder cet acte manqué.

LES PILIERS DU MENTAL

Tout d’abord, la mentale repose sur 2 piliers, votre capacité à résister à l’échec et votre capacité à résister à la réussite. Un sportif ou une équipe est considéré comme solide mentalement lorsqu’elle parvient à réagir après une défaite, un coup dur, tout comme lorsqu’elle parvient à rester au sommet et à durer.

Dans le 1er cas, la difficulté est de réagir en faisant appel à des qualités de combativité, à faire preuve de caractère, à montrer que vous ne lâchez rien pour revenir dans le coup…D’ailleurs, ce sont souvent ces critères à partir desquels nous allons nous baser pour affirmer qu’un tel ou un tel a un mental à toute épreuve.

Dans le 2ème cas, la difficulté est de ne pas se relâcher, lorsque vous êtes au sommet et que tous vos adversaires ont envie d’être à votre place, il vous faudra gérer vos émotions, faire preuve de maturité, imposer le respect, par une maîtrise et une justesse dans vos comportements, qui paraît vous rendre intouchable. Ne nous méprenons pas. On serait tenté de croire que c’est ce second pilier qui a été touché pour les joueurs de handball, ce qui n’est pas faux, en tout cas dans un premier temps, mais c’est surtout le premier qui s’est véritablement écroulé !!

On ne peut les blâmer sur la résistance à la réussite car ils ont tout de même remporté 4 titres d’affilée, ce qui n’est jamais arrivé dans l’histoire mais on a pu surtout constater une incapacité à réagir, à rassembler toutes leurs ressources, à se remobiliser pour ne pas accepter cette situation… Trouver les ressources pour réagir demande une tension corporelle, fait appel à une énergie explosive qu’ils n’ont pas pu impulser et les comportements des joueurs peuvent laisser croire qu’il n’y avait pas ou plus de motivation, mais ce n’est pas forcément le cas.

Poursuivons….

LE STRESS EST TOUJOURS ADAPTÉ À LA SITUATION PERÇUE

L’idée est simple. Sur l’axe vertical, il s’agit de la perception que vous avez de la situation. Sur l’axe horizontal, celle que vous avez de vos propres ressources pour répondre à cette demande. Prenez l’exemple d’une équipe faible qui joue contre une équipe beaucoup plus forte comme dans les compétitions de coupe de France de football, cette équipe pourrait se retrouver en zone de panique, car elle peut considérer ses ressources faibles pour répondre à la demande.(curseur des ressources placé au plus bas contre un curseur de la demande placé au plus haut.) On peut reconnaître une équipe en panique lorsqu’elle fait plus ou moins n’importe quoi et qu’elle semble plutôt tendue.

Inversement, vous avez notre équipe plus forte sur le papier qui pourrait se retrouver en zone de routine et donc en stress de sous-pression puisqu’elle peut considérer ses ressources comme étant supérieures à la demande. Celle-ci sera alors beaucoup trop relâchée… L’idée est de reconsidérer la perception que l’on a de la situation ou de reconsidérer nos ressources, selon comment on se place…pour être plus proche du stress de performance et donc être en fluidité, un état idéal de performance. Vous l’avez compris, le contexte fait que nous avions une équipe de France Handball en zone de maîtrise voir routine (on peut les comprendre lorsque vous remportez tout sur votre passage pendant 5 ans) qui a vu ses adversaires se mettre en mode défi, tout simplement… Cela aurait pu suffire mais la qualité du défi proposé a été de plus grande qualité que l’auto-persuasion d’être à nouveau performant dans un contexte différent des années précédentes.

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Le fait de ne pas avoir de match compliqué depuis 1 an pour se tester, de ne pas bousculer l’ordre établi en confirmant les cadres à leur poste et en occultant donc une possible concurrence, source d’exigence… De plus, la nouvelle médiatisation du monde du Hand a contribué, bien sûr, ou du moins a renforcé cette perception de manière inconsciente et a fragilisé l’équilibre de cette équipe, sans aucun doute… Oui, peut-être que les joueurs ont abordé inconsciemment cet Euro dans des schémas habituels et sur du velours, sans s’en rendre compte, et cette défaite contre l’Espagne les a grandement perturbés avec tous les doutes qu’ils ne sont pas parvenus à chasser. Ils nous avaient plutôt habitués à revenir en zone de performance, mais cette fois-ci, ils sont passés de la routine, à la panique directement et pour l’illustrer on a vu des actions en solo, un manque cruel de créativité et une impossibilité à trouver des solutions.

On pourrait même laisser croire que ce schéma était déjà présent mais ne pouvait être constaté avec les exploits individuels des meilleurs joueurs de la planète, les Karabatic, Abalo, Fernandez, Omeyer qui remettaient l’équipe sur les rails surtout lors du dernier titre mondial, mais là, sur cette compétition, cela ne s’est pas produit et tout s’est évaporé en quelques matches et la confiance avec.

Pour finir…

POUR L’ÉQUIPE DE FRANCE HANDBALL LE SPORT EST UN CONCOURS

Vous pouvez remporter un concours avec un 12/20 tout comme le perdre avec un 18 !! En face de vous, il y a un adversaire qui a également envie de gagner, envie d’être le meilleur, envie de vous détrôner… C’est à celui qui réunira le plus de critères de performance que reviendra la victoire. Vous pouvez être bon, si vous tombez contre un très bon, vous perdez et ça ne fait pas de vous un mauvais, un moins que rien, un raté…. Le Real Madrid, dans le Football, serait certainement l’équipe la plus forte, la plus talentueuse et remporterait des titres mais il y a le FC Barcelone !! Quand vous raflez tout depuis 5 ans, il faut se dire que les autres travaillent pour avoir votre place et le jour où vous perdez 1 ou 2 points et que votre concurrent augmente de 2, vous pouvez vous retrouver à égalité très rapidement, sans plus aucun avantage, et vos titres ne feront plus la différence.

C’est pour cette raison qu’une des 1ères règles mentales est de se détacher du résultat pour, d’une part se concentrer  sur ce qui est maîtrisable mais également pour que le résultat ne soit pas une finalité, sous peine de ne pas durer, même si c’est le résultat qui tranche et qui vous donne raison ou non. Ne pas se blâmer dans la défaite et ne pas être euphorique dans la victoire, mais construire avec comme unité de mesure et d’évaluation, le résultat. Plus vous gagnez, plus le niveau d’exigence est à élever, plus vous êtes médiatisé, plus l’humilité est importante, plus haut vous êtes sur le podium, plus indispensable est la remise en question !! Encore faut-il en être capable, être suffisamment motivé pour faire les efforts nécessaires…

Mais comment repérer si son niveau d’humilité et son niveau d’exigence seront à la hauteur de la situation ?

On a beau se le dire, le crier aux médias et s’en persuader, malheureusement ça ne marche pas comme ça. Souvent on le subit, on le découvre au dernier moment et c’est très difficile de renverser la vapeur dans une compétition où l’on joue tous les 2 jours…

A moins d’avoir un vrai recul sur la situation et d’anticiper de manière professionnelle en intégrant la dimension mentale comme quelque chose de complexe, de beaucoup trop complexe pour un seul homme et de s’attacher les services de professionnels tout comme on peut le faire avec un kiné ou un préparateur physique. Votre avis nous intéresse !!!

Yohann Duclos